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« Homo naledi » : une stratégie de publication scientifique qui divise

Le paléoanthropologue américain Lee Berger a-t-il profité du modèle de publication scientifique proposé par la revue eLife pour présenter ses découvertes comme bien plus solides qu’elles ne le sont ? C’est le sentiment de beaucoup de spécialistes du domaine, qui ne sont pas convaincus par les éléments à l’appui de sa thèse, selon laquelle Homo naledi, un petit hominine qui vivait en Afrique du Sud il y a plus de deux cent cinquante mille ans, aurait délibérément enterré ses morts dans une caverne.
« Avec Lee Berger, nous savions à quoi nous nous engagions, indique le généticien des plantes Detlef Weigel (Institut Max-Planck de biologie, à Tübingen, en Allemagne), corédacteur en chef d’eLife. Nous avions publié les premiers articles sur Homo naledi dès 2015. Mais c’est un peu un showman, nous ignorions qu’il avait orchestré cela avec Netflix et National Geographic. » Un documentaire le mettant en scène avait été mis en ligne sur la plate-forme de vidéo à la demande en juillet 2023, peu après la publication des manuscrits dans eLife. Une stratégie déjà employée en 2015, avec la diffusion d’un documentaire lors de l’annonce de la découverte originelle.
Pour autant, Detlef Weigel se dit « très heureux » d’avoir publié ces articles, qui ont attiré l’attention sur le modèle qu’eLife tente de promouvoir, à travers une évaluation plus transparente des manuscrits que celle des grands journaux scientifiques. Ceux-ci ne publient pas systématiquement les reviews (argumentaires des relecteurs) conduisant à accepter ou à rejeter, parfois après de longs délais, les manuscrits qui leur sont soumis. Un droit de vie et de mort opaque avec lequel eLife entend rompre, en choisissant de faire évaluer publiquement des articles déjà mis en ligne sur les serveurs de preprint (prépublication).
Detlef Weigel reconnaît que les médias ne sont pas familiarisés avec cette nouvelle pratique, et qu’ils ont pu en partie passer à côté des reviews qui pointaient l’insuffisance des données de Lee Berger. Mais il note que ces critiques mises en ligne par eLife ont été plus consultées (28 665 pages vues à la date du 8 août) que les articles eux-mêmes (13 251 pages vues). « Nous avons donné à la communauté scientifique les moyens de livrer rapidement et de façon transparente son avis sur les travaux de Lee Berger », défend le neuroscientifique Timothy Behrens (université d’Oxford), qui figure aussi dans la direction d’eLife.
Si Lee Berger a pu profiter d’eLife, la « victime » était consentante : dans un récent éditorial, la revue, créée il y a douze ans, revendique le fait de choisir certaines études controversées, afin de mettre en lumière l’intérêt d’une évaluation ouverte. Avec quelques garde-fous, insiste Detlef Weigel : pas question de mettre en avant des hypothèses potentiellement néfastes en matière de santé publique, par exemple.
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